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26 avril 2017
Dédiabolisation
Comment expliquer qu’on soit si nombreux à avoir le réflexe de taper sur Macron plus que sur Le Pen ? Qu’on ait autant de mal à élargir le champ ?
Bien sûr, il y a le caractère haïssable du candidat, de son programme, de ses soutiens. Il y a le traumatisme du quinquennat Hollande. Il y a le nombre impressionnant de boulets (pas forcément les moins racistes eux-mêmes) qui braient leurs appels à « faire barrage ». Il y a l’exaspération face à un système à bout de souffle qui réussit à se maintenir uniquement grâce à l’épouvantail de l’extrême droite. Il y a la rage de s’être fait confisquer l’élection, de constater que le « putsch du CAC 40 », pour reprendre l’expression d’Aude Lancelin, a réussi (54% des électeurs de Macron au 1er tour auraient voté pour lui « pour voter utile plus que par conviction »... Quelle absurdité). Il y a le fait que c’est lui, et pas elle, qui est considéré comme le vainqueur probable - même si, avec leur arrogance, lui et ses soutiens sont peut-être bien en train de se tirer une balle dans le pied, et de nous en tirer une par la même occasion ; Clinton a perdu face à Trump et pourtant elle était mille fois plus costaude que l’autre tête à claques, baudruche qui pourrait très vite péter entre les doigts de ceux qui l’ont fabriqué.
Il y a peut-être aussi la lassitude de redouter la catastrophe depuis si longtemps, au point de préférer courir le risque qu’elle arrive une bonne fois pour toutes - et là ça vaudrait peut-être le coup d’y réfléchir à deux fois.
- Dessin de Chappatte
Mais est-ce que c’est la seule explication ? Pour beaucoup de militants de gauche, le racisme et l’islamophobie sont des questions secondaires, abstraites, voire inexistantes, qui ne les concernent pas et qui les mettent profondément mal à l’aise ; souvent, même, ils les partagent plus ou moins consciemment. Et même si on flaire l’imposture de sa vitrine « sociale », le programme économique du FN ne suscite pas la même vindicte que les mesures (objectivement terrifiantes) annoncées sans complexes par les macroniens.
Bref, est-ce que la banalisation et la dédiabolisation n’auraient pas réussi bien au-delà de ce qu’on imagine, y compris auprès de gens qui ne sont pas le moins du monde tentés par le vote FN ?