La méridienne

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17 août 2022

« La Nièce du taxidermiste », de Khadija Delaval

Khadija Delaval. Photo : Bruno Lévy

Longtemps, Khadija Delaval et moi, ayant une amie commune, n’avons fait que nous croiser de loin en loin et échanger quelques mots dans des fêtes à Genève ou à Neuchâtel. Et puis, il y a quelques années, nous avons mieux fait connaissance, et elle m’a alors passé un manuscrit intitulé La Nièce du taxidermiste. Cette lecture m’a bluffée. Elle m’a médusée, horrifiée, émerveillée. Ça a été le début d’une grande amitié, et je me suis jointe aux efforts de quelques autres pour trouver un éditeur. Ces efforts ont failli aboutir en 2016, jusqu’à ce que Khadija, à qui l’attitude de l’éditeur à l’égard de son texte n’inspirait pas confiance, choisisse de tout arrêter. Enfin, cette année, Calmann-Lévy a accepté le manuscrit. À ma grande joie, La Nièce du taxidermiste sort donc en librairies aujourd’hui.

Je lui trouve beaucoup de points communs avec Rien ne s’oppose à la nuit, de Delphine de Vigan, dans sa description d’une famille à la fois flamboyante et oppressive. Sauf que sa narratrice est une enfant, une préadolescente : Baya. Âgée de douze ans lorsque le récit s’ouvre, elle vit en Suisse, mais passe ses vacances en Tunisie dans sa famille, avec ses parents et ses grands-parents, ses tantes, ses oncles, ses cousins. J’ai rarement vu aussi bien décrite la logique particulière des enfants, leur perception des choses, leur vie secrète – pour le meilleur et pour le pire –, qui échappent totalement aux adultes et les font évoluer dans une dimension parallèle, malgré la proximité physique (autre référence qui s’impose à mes yeux : Pucelle, la bande dessinée de Florence Dupré La Tour). De Baya, on partage le désarroi, la panique, la révolte, mais aussi les élans d’amitié et d’amour, la quête d’allié-e-s, la détermination, le courage. Il y a dans ce roman une force qui prend aux tripes, un souffle par lequel j’espère de tout cœur que de nombreu-ses-x lecteur-ice-s se laisseront emporter.


Khadija Delaval, La Nièce du taxidermiste, Calmann-Lévy, 2022, 208 pages, 19,50 euros.