La méridienne

Le blog de Mona Chollet

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19 octobre 2022

Contact - À propos

Mona Chollet, journaliste et essayiste. Autrice avec Thomas Lemahieu du site Périphéries.

Ce blog a été conçu avec grâce et talent par Guillaume Barou. Merci à lui.

Image : Henri Matisse, « Intérieur au violon », 1918 — Galerie nationale du Danemark © Succession H. Matisse.

Pour toute demande d’entretien ou invitation à des rencontres, merci de passer par mon éditeur — ou Flammarion (Caroline Psyroukis) si votre demande concerne D’images et d’eau fraîche —, et, pour les propositions de projets, par mon agente, Ariane Geffard : a.geffard [at] gmail.com.

Autrice de...

Résister à la culpabilisation. Sur quelques empêchements d’exister

Zones, Paris, 2024. En librairie le 19 septembre

Harcèlement, humiliations, insultes : nous sommes bien averti·es de ces fléaux de la vie en société et nous nous efforçons de lutter contre eux. Mais il y a un cas de figure que nous négligeons : celui où l’agresseur, c’est… nous-mêmes.
Bien souvent, résonne dans notre tête une voix malveillante qui nous attaque, qui nous sermonne, qui nous rabaisse ; qui nous dit que, quoi que nous fassions, nous avons tort ; que nous ne méritons rien de bon, que nous présentons un défaut fondamental. Cette voix parle particulièrement fort quand nous appartenons à une catégorie dominée : femmes, enfants, minorités sexuelles ou raciales…
Ce livre se propose de braquer le projecteur, pour une fois, sur l’ennemi intérieur. Quels sont ces pouvoirs qui s’insinuent jusque dans l’intimité de nos consciences ? Comment se sont-ils forgés ? Nous étudierons quelques-unes de leurs manifestations : la disqualification millénaire des femmes, et notamment, aujourd’hui, des victimes de violences sexuelles ; la diabolisation des enfants, qui persiste bien plus qu’on ne le croit ; la culpabilisation des mères, qui lui est symétrique ; le culte du travail, qui indexe notre valeur sur notre productivité ; et enfin, la résurgence de logiques punitives jusque dans nos combats contre l’oppression et nos désirs de changer le monde.

D’images et d’eau fraîche

Flammarion, Paris, 2022, 192 pages, 19,90 euros. E-book : 13,99 euros.

Jusqu’ici, j’ai toujours écrit pour tenter de débrouiller un ou plusieurs problèmes auxquels je me heurtais dans ma vie, en espérant que ce travail serve aussi à d’autres. Il est un peu déconcertant de le faire simplement, cette fois, pour partager l’un des stratagèmes par lesquels je maintiens allumée la flamme de ma vitalité – pour parler de plaisir.
Parmi tous les ouvrages qui paraissent sur la culture numérique, je n’ai encore jamais rien lu au sujet de cette communauté éparse que j’ai moi-même rejointe il y a bientôt dix ans : celle des collectionneurs d’images en ligne, qui accumulent et partagent au fil des jours, sur Instagram, Tumblr, Flickr ou Pinterest, des photographies d’art, des tableaux, des dessins qu’ils aiment.

Cette activité en apparence anodine représente mon équivalent de la liste des « Choses qui font battre le cœur » dressée par Sei Shônagon, dame de compagnie de l’impératrice consort du Japon, dans ses Notes de chevet, au XIᵉ siècle. Dans un monde de plus en plus désespérant, j’ai envie de revendiquer ce rapport primaire et entêté à la beauté, cette confiance dans l’appui qu’elle offre, faisant de nous des perchistes arrachés momentanément à la gravité et catapultés dans les airs, libres et légers, avant de retomber… ailleurs.

Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles

Zones (La Découverte), Paris, 2021, 276 pages, 19 euros. E-book : 13,99 euros. Texte intégral en libre accès sur le site de l’éditeur.

Nombre de femmes et d’hommes qui cherchent l’épanouissement amoureux ensemble se retrouvent très démunis face au troisième protagoniste qui s’invite dans leur salon ou dans leur lit : le patriarcat. Sur une question qui hante les féministes depuis des décennies et qui revient aujourd’hui au premier plan de leurs préoccupations, celle de l’amour hétérosexuel, ce livre propose une série d’éclairages.

Au cœur de nos comédies romantiques, de nos représentations du couple idéal, est souvent encodée une forme d’infériorité féminine, suggérant que les femmes devraient choisir entre la pleine expression d’elles-mêmes et le bonheur amoureux. Le conditionnement social subi par chacun, qui persuade les hommes que tout leur est dû, tout en valorisant chez les femmes l’abnégation et le dévouement, et en minant leur confiance en elles, produit des déséquilibres de pouvoir qui peuvent culminer en violences physiques et psychologiques. Même l’attitude que chacun est poussé à adopter à l’égard de l’amour, les femmes apprenant à le (sur ?) valoriser et les hommes à lui refuser une place centrale dans leur vie, prépare des relations qui ne peuvent qu’être malheureuses. Sur le plan sexuel, enfin, les fantasmes masculins continuent de saturer l’espace du désir : comment les femmes peuvent-elles retrouver un regard et une voix ?

Sorcières. La puissance invaincue des femmes

Zones (La Découverte), Paris, 2018, 240 pages, 18 euros. E-book : 12,99 euros. Texte intégral en libre accès sur le site de l’éditeur.

Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Ce livre en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante — puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant — puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.

Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.

Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique

Zones (La Découverte), Paris, 2015, 320 pages, 17 euros. E-book : 11,99 euros. Texte intégral en libre accès sur le site de l’éditeur.

Le foyer, un lieu de repli frileux où l’on s’avachit devant la télévision en pyjama informe ? Sans doute. Mais aussi, dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l’on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l’ardeur que l’on met à se blottir chez soi ou à rêver de l’habitation idéale s’exprime ce qu’il nous reste de vitalité, de foi en l’avenir.

Ce livre voudrait dire la sagesse des casaniers, injustement dénigrés. Mais il explore aussi la façon dont ce monde que l’on croyait fuir revient par la fenêtre. Difficultés à trouver un logement abordable, ou à profiter de son chez-soi dans l’état de « famine temporelle » qui nous caractérise. Ramifications passionnantes de la simple question « Qui fait le ménage ? », persistance du modèle du bonheur familial, alors même que l’on rencontre des modes de vie bien plus inventifs…

Autant de préoccupations à la fois intimes et collectives, passées ici en revue comme on range et nettoie un intérieur empoussiéré : pour tenter d’y voir plus clair, et de se sentir mieux.

Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine

Zones, 2012, 240 pages, 18 euros ; La Découverte Poche, 2016, 296 pages, 9,50 euros. E-book : 8,99 euros. Texte intégral en libre accès sur le site de l’éditeur.

Soutiens-gorge rembourrés pour fillettes, obsession de la minceur, banalisation de la chirurgie esthétique, prescription insistante du port de la jupe comme symbole de libération : la « tyrannie du look » affirme aujourd’hui son emprise pour imposer la féminité la plus stéréotypée.

Décortiquant presse féminine, discours publicitaires, blogs, séries télévisées, témoignages de mannequins et enquêtes sociologiques, Mona Chollet montre dans ce livre comment les industries du « complexe mode-beauté » travaillent à maintenir, sur un mode insidieux et séduisant, la logique sexiste au cœur de la sphère culturelle.

Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps, entretenue par le matraquage de normes inatteignables. Un processus d’autodévalorisation qui alimente une anxiété constante au sujet du physique en même temps qu’il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente. En ce sens, la question du corps pourrait bien constituer la clé d’une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences à celle contre les inégalités au travail.

Rêves de droite. Défaire l’imaginaire sarkozyste

Zones, 2008, 156 pages, 12 euros. E-book : 9,99 euros. Texte intégral en libre accès sur le site de l’éditeur.

« J’ai fait un rêve », slogan repris à Martin Luther King, fut l’un des moteurs de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Tout a été dit sur cette victoire sauf peut-être l’essentiel : et si elle correspondait au triomphe d’une nouvelle forme d’imaginaire politique ?

Mona Chollet décortique les principaux éléments de l’univers sarkozyste : la « machine de guerre fictionnelle » que représente la success story, le mythe du self-made man, l’identification illusoire aux riches et aux puissants, le mépris des « perdants », l’individualisme borné, le triomphe de l’anecdote et du people...

Aux antipodes de la fascination béate et complaisante d’une Yasmina Reza, elle critique les impostures idéologiques du nouveau pouvoir : un démontage sans concession des valeurs de la droite bling bling, dans un style incisif, souvent drôle, toujours fin, mêlant l’enquête journalistique, l’écriture littéraire et la critique sociale.

Lucide, elle pointe également la faiblesse alarmante de l’imaginaire de gauche, radicalement incapable de relever le défi. Contre le cynisme et les renoncements, il est urgent de réinventer un nouvel imaginaire émancipateur, en commençant par se réapproprier l’aspiration légitime à l’épanouissement personnel, aujourd’hui fourvoyée dans les mirages de la « société-casino ».

La Tyrannie de la réalité

Calmann-Lévy, Paris, 2004, 368 pages, 22,20 euros. Gallimard, « Folio Actuel », Paris, 2006, 384 pages, 9,20 euros.

Peu d’idées sont autant galvaudées aujourd’hui que celle de « réalité ». Hommes politiques, chefs d’entreprise, mais aussi économistes et romanciers s’en réclament : seul le réalisme semble recevable, et il suffit à tout justifier. La réalité constitue désormais, dans notre mentalité collective, la valeur étalon. Elle est le nouveau dieu que nous vénérons ; le dernier qui reste en magasin, peut-être.

Mona Chollet épingle l’usage pernicieux de cette notion dans tous les types de discours et démontre pourquoi l’injonction réaliste relève de l’imposture. À une époque où les relations essentielles à notre équilibre ? la relation à l’environnement, la relation à l’autre ? se vivent sur un mode chaotique, il est temps de se poser quelques questions…

Un texte mordant et salutaire, qui non seulement déconstruit l’idéologie implicite de certains « réalistes », mais ouvre aussi joyeusement un chemin de traverse : il rappelle les bienfaits de l’imagination et du rêve, non pas pour « fuir la réalité », mais au contraire pour se donner une chance de l’habiter pleinement.

Marchands et citoyens, la guerre de l’Internet

Avec Gébé. L’Atalante, coll. « Comme un accordéon », Nantes, 2001, 160 pages, 10,50 euros.

Mona Chollet revisite cette utopie du grand réseau mondial autoproduit et autogéré et nous donne à lire, en contrepoint, la triste réalité de l’« e-business ». L’Internet des pionniers a assurément bien mal vieilli et les marchands s’y battent maintenant comme des chiffonniers pour s’assurer de nous, citoyens et usagers libres du réseau.

Il s’agit donc bien d’une guerre, d’une guerre des contenus et des accès. Une guerre de procédures et de budgets, où la liberté d’expression s’efface au profit du droit des firmes à clôturer le réseau et à l’organiser pour leurs besoins propres.

Dans cette guerre entre marchands et citoyens, la classe politique, engouffrée dans les marais de la nouvelle économie, navigue à vue.

Le commerce électronique sécurisé est-il donc le grand projet du vingt et unième siècle ? Pour ce réseau socialement utile et cette intelligence collective dont nous rêvons, la marchandise ne peut tenir lieu de projet politique sur l’Internet.

Inventons.